Une bouteille à la mer
Si un jour des citoyens conscients et courageux entreprennent vraiment de « changer la monnaie » pour arriver à « changer la vie » peut-être jetteront-ils un regard sur leur passé dans l'espoir d'y trouver quelques racines. Ayant dessiné un schéma monétaire synthétique de ma vision d'une monnaie au service du bien public, plutôt que de le mettre à la corbeille, je le leur destine comme une bouteille à la mer
Un schéma n'est qu'un symbole et tout symbole a besoin de quelques commentaires
Une « monnaie souveraine » est intrinséquement liée à une collectivité économiquement solidaire. Cette collectivité s'est donnée les moyens de décider de ses volontés collectives et de les mettre en eouvre. C'est ce que signifie ici le terme Etat. Sans préjuger de son organisation exacte, il va de soi que. je considère qu'il s'agit d'un état démocratique. L'organisation de la démocratie est une tâche qui inclut celle de la monnaie, mais la déborde largement.
Un Etat opére d'abord sur son espace interne sur lequel il a des pouvoirs. Vis à vis de l'extérieur, il n'a que des missions. C'est pourquoi, je distingue la monnaie dans ses circuits internes et la monnaie dans ses circuits externes. Je donne nettement priorité à la circulation interne. Mais ceci n'implique en aucun cas un repli sur soi inéluctable car: la circulation externe est potentiellement ouverte à toutes sortes de coopérations économiques. En particulier, des engagements monétaires réciproques peuvent concrétiser la volonté réelle de coopération et aboutir à des taux de change concertés, exprimés par une « unité de compte monétaire commune. »
La circulation monétaire interne :
La banque Centrale est dans l'Etat. C'est un organisme d'Etat, soumis à l'Etat, comme l'Etat est lui-même démocratiquement soumis à la collectivité. A l'organisation des pouvoirs doit correspondre une organisation cohérente de contre-pouvoirs, y compris en matière monétaire mais ceci ne modifie pas le schéma fondamental en démocratie : la Collectivité inclut l'Etat qui inclut la Banque Centrale.
Un gouvernement particulier est l'expression de l'Etat à un moment particulier. Les gouvernements passent. Ils engagent l'Etat qui demeure avec sa Banque Centrale.
Au moyen de sa banque centrale , l'état doit gouverner la monnaie de la collectivité, sa « monnaie souveraine ». Ce sont les reconnaissances de dettes de la collectivité à l'égard de tel ou tel de ses membres qui donnent naissance à la monnaie. Celle-ci est donc constituée de créances sur la collectivité, créances transmissibles de membre à membre au sein de cette collectivité. La monnaie nait des dépenses de l'état ; elle est détruite par ses recettes.
Les dépenses de l'état sont directement fonction de sa politique sociale ( dépenses et subventions pour : enseignement, santé, natalité, vieillesse, justice, etc ) et de ses investissements dans ces domaines ou dans tout autre domaine jugé stratégique. Il n'y a pas lieu de distinguer les dépenses de fonctionnement et celles d'investissement, si ce n'est pour le besoins d'un suivi analytique.
Les recettes de l'état proviennent de la perception des impôts directs et indirects et aussi, éventuellement, de la vente de services publics. Nous considérons ici la monnaie dite centrale, la seule qui engage l'état et la seule admise pour tout paiement. Cela implique une identification stricte des gestionnaies de comptes courants, c'est à dire des banques de dépôts dont l'activité doit exclure toute autre activité.
On peut maintenir l'existence de prêts et de crédits mais :
- le prêt est la mise à disposition d'une somme de monnaie à un tiers par versement sur le compte courant de dépôt de ce tiers. Il y a circulation monétaire sans création de moyens de paiement supplémentaires.
- le crédit est la promesse à un tiers de mise à disposition d'une somme de monnaie sur sa demande sans versement sur son compte courant. Il n'y a pas circulation monétaire ni création de moyens de paiement. Cette promesse est un engagement commercial privé qui ne concerne que les contractants mais pas la masse de monnaie monétaire..
La masse monétaire est la somme des créances de l'état en circulation.
Ainsi la politique sociale et d'investissement permet la maitrise des quantités et surtout des points d'injection de la monnaie dans l'économie.
Symétriquement, la disribution des retraits de monnaie est modelée par la politique fiscale. On a ainsi un moyen direct de pilotage de l'écart des revenus après imposition.Cet écart est un paramètre social fondamental.
La circulation monétaire entre sa source et son retrait est totalement ouverte à une économie de marché. L'est-elle a une économie capitaliste ? En principe oui, si l'on admet que le capitalisme consiste fondamentalement à tirer un revenu de son épargne. Cependant, si on estime ce type de revenu peu justifié, la politique sociale peut conduire l'état à accorder lui-même des prêts à taux ajustés pour concurrencer tous les prêteurs tentés d'abuser.
La circulation monétaire externe :
Nous supposons que l'économie A paie ses importations dans sa devise Da.. Du fait de ses exportations vers une économie X, elle reçoit des devises Dx. Bien entendu les économies partenaires X sont diverses et variées ; c'est le sens symbolique des flêches multiples utilisées.
Issus des exportations, les flux de devises entrantes donnent généralement lieu à un change contre de la monnaie créée à cet effet. Ensuite ces devises étrangères remontent vers les réserves de la Banque Centrale ( voir le tracé vert ).
De manière externe et du fait des importations, des flux de monnaie sortante remontent. eux aussi vers les banques centrales qui les ont changés dans leurs propres monnaies. L'équilibre en valeur entre les réserves en devises étrangères détenues par les différentes banques centrales constitue la situation vers laquelle il faut tendre pour maintenir des échanges commerciaux équilibrés sur le long terme, les seuls qui puissent durer. Cet équilibre ne peut résulter que de deux origines : les biens et services échangés (influençables par des mesures douanières appropriées ) et les taux de change pratiqués entre les devises ( réajustables en vue d'arriver à un équilibre en valeur)
Au niveau des taux de change, les taux internes devraient être connus et autant que possible stabilisés ; les taux de change de banque centrale à banque centrale devraientt être périodiquement renégociés. Un marché des devises est aussi tout à fait possible. Il est important de remarquer que le retour d'une devise à sa Banque Centrale correspond à l'acquisition par celle-ci de sa propre dette et donc à une destruction de la monnaie correspondante.
---------------
Une telle présentation paraît complètement hors des réalités présentes. On peut penser que c'est parce que celles-ci reflètent encore une histoire complexe mélangeant allégrement la conception ancienne de la « monnaie-chose » à celle plus évoluée de la « monnaie-engagement ». C'est en réfléchissant à cette dernière notion - engagement de qui envers qui ? - que l'on peut aboutir aux concepts proposés . Ils sont au moins aussi logiques que ceux donnant aux Banques Centrales la capacité étonnante d'émettre une monnaie dont personne ne sait exactement ce qu'elle signifie si ce n'est une capacité d'échange. Personne en particulier ne semble remarquer que cette capacité d'échange repose essentiellement sur l'endettement des états. Ici, nous en tirons la conclusion : les états garantissent les monnaies ; ils n'ont donc pas à les emprunter.
Du coup, au moins à terme, finis la dette publique, les intérêts qu'elle génère et le réendettement perpétuel. Celui-ci exige une croissance suffisante, capable de calmer la faim de l'ogre monétaire. Il est évident qu'en régime stationnaire, notre modèle ne nécessite aucune croissance. Et si, au contraire une masse monétaire accrue s'avère utile, cette nouvelle monnaie ne coûte rien.
Un jour viendra sans doute où tout ceci ne sera pour tous.que l'énoncé d' évidences. Le plus tôt serait le mieux.
J.J // Janvier 2012.
... et des mots pour le dire
« Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement
et les mots pour le dire se trouvent aisément »
Nicolas Boileau. L'art poétique ; Chant I
De toute évidence, la monnaie fiduciaire ( pièces et billets) circule. On est tenté de dire que la monnaie scripturale ( celle qui est « écrite » dans les comptes ) , elle aussi, circule de comptes en comptes. On voit bien toutefois qu'il ne s'agit pas tout à fait de la même circulation. Qu'est-ce qui constitue vraiment la circulation des monnaies modernes ? Comment mettre des mots intelligibles sur cette circulation ? Pourrait-il exister des monnaies qui ne circuleraient pas ?
Telles sont les questions auxquelles nous tenterons de répondre avec l'objectif avoué d'en tirer une proposition d'explication rationelle, juridique en réalité, du fait monétaire aujourd'hui ou du moins de ce qu'il pourrait ou devrait être.
Que les monnaies anciennes aient tiré leur valeur d'une qualité intrinsèque ( le métal précieux ) ou que celle-ci ne soit que de nature symbolique ( les billets ), leur circulation s'effectue en quelque sorte dans le sens inverse des biens matériels ou immatériels qu'elles permettent d'échanger : l'un donne son argent ; l' autre lui donne ce qu'il vend. L'échange marchand traditionnel porte sur des valeurs jugées équivalentes par les deux parties prenantes : je te donne cet objet et tu me remets la même valeur en monnaie.
Ainsi la monnaie fiduciaire est traitée comme un objet. Elle passe de ma bourse à la tienne ou inversement selon le cas. On peut la donner , la perdre, la retrouver, la voler, la cacher comme n'importe quel objet Comme pour un objet, voire bien davantage car elle n'est pas identifiable ( elle est fongible ), celui qui la détient, son porteur , est réputé en être le propriétaire.
La monnaie fiduciaire peut se caractériser par :
- un émetteur qui en est le garant ( la banque centrale concernée )
- une valeur faciale quantifiée dans une unité définie par l'émetteur
- un propriétaire qui en est le porteur.
Quelles difficultés, quels abus peuvent survenir dans ces conditions ?
On pense bien sûr à des contrefaçons lorsque l'émission ne provient pas de l'autorité légitime mais de l'activité frauduleuse de faux-monnayeurs.
Cependant le risque n'est-il pas aussi du coté du porteur ? Où et comment celui-ci a-t-il acquis cette monnaie ? Si l'on s'en tient au seul examen de l'échange le pire des truands apparait aussi blanc que le plus vertueux des hommes. Cela ne pose pas qu'une question théorique ; on connait hélas de tristes réalités : contrefaçons comme on l'a dit, mais aussi : rackets, blanchiments divers et évasions fiscales parfois jusqu'aux paradis du même nom.
La monnaie scripturale – la monnaie de compte – ne circule pas comme les espèces : elle « circule » ( les guillemets sont ici volontaires ) de compte en compte.
Regardons cela de plus près.
Une liaison subsiste entre les flux de biens et services dans un sens et les flux monétaires dans l'autre. Les parties prenantes à l'échange apparaissent clairement en tant que détenteurs de compte ; le compte du vendeur augmente ; celui de l'acheteur diminue et cela d'une valeur acceptée par les deux parties.
Comment déplace-t-on la monnaie scripturale ? On ne la remet pas ; on ne la donne pas. On remet un chèque ; on utilise sa carte bleue, un ordre de virement, un TIP ( titre interbancaire de paiement) ou toute autre moyen de transmission d'ordre aux teneurs de comptes. Ce qui circule c'est l'information sur les rôles et les identités des intervenants dans l'échange et la valeur échangée. Les teneurs des comptes en prennent acte dans les comptes. Ils agissent un peu comme les notaires qui établissent des titres de propriétés actant des changements de propriétaires. La monnaie scripturale est avant tout une réalité juridique ; ce n'est en aucun cas un objet qui circule.
Outre le fait qu'elle soit écrite – et cela peut aujourd'hui se faire en bits élémentaires dans les ordinateurs – la monnaie scripturale, dite encore monnaie de compte, semble pouvoir être caractérisée par :
- une autorité garante de l'authenticité ( nature et provenance ) des valeurs mises en comptes
- une garantie sur la rigueur absolue des modifications apportées aux comptes.
- une identification certaine de la personne physique ou morale titulaire du compte
Quels sont les problèmes potentiels avec ce type de monnaie ? Il semble qu'il y en ait bien moins qu'avec les espèces. En effet, tous les mouvements monétaires ( mouvements purement comptables comme on l'a vu ) sont ainsi totalement connus pour autant qu'une autorité légitime ait accès à tous les comptes et à toutes les modifications de ces comptes. C'est une question de gouvernance si l'on ne veut pas dire de gouvernement.
Trois observations s'imposent :
- la « circulation » de la monnaie scripturale est directement ouverte sur la circulation des espèces. Il faudrait donc un contrôle des retraits ( motif à déclarer par exemple ) et des dépôts ( origine à justifier ) d'espèces, ou bien la suppression totale des espèces comme les technologies modernes le permettraient.
- la « circulation » de la monnaie scripturale emprunte aussi des circuits internationaux hors de portée d'un contrôle national. Il faudrait donc un contrôle des entrées et des sorties de capitaux hors la zone monétaire concernée.
- enfin et surtout , le méli-mélo que constitue le système à réserves fractionnaires ( qu'une petite minorité seulement comprend ) est une porte ouverte à bien des abus. Il faut savoir qu' aujourd'hui il n'existe pas, comme on le pense spontanément, qu'une seule monnaie de compte ; il en existe autant qu'il existe de banques commerciales indépendantes plus une, celle de la Banque Centrale dite monnaie de base. Néanmoins tous ces comptes comptabilisent des valeurs portant le même nom, et cela de manière parfaitement trompeuse . Quand vous détenez 1000 € sur votre compte à la BNP, ceux-ci ne sont pas strictement équivalent à 20 billets de 50 €. C'est un engagement de la BNP à vous fournir jusqu'à 1000 € en espèces, c'est à dire en monnaie centrale, si vous le lui demandez , mais cela ne veut en aucun cas dire que ces espèces existent et sont aux mains de la banque. Vous n'êtes pas son seul client et comme, en temps normal, ceux-ci ne demandent aujourd'hui en moyenne que 15 % environ de leurs dépôts en espèces, on peut sans se tromper affirmer que si vous avez 1000 € en compte, la BNP n'en détient réellement en moyenne que 150 dans ses comptes. Il serait trop long ici de réexpliquer en détail le système des réserves fractionnaires mais on peut résumer celui-ci de la manière suivante : les monnaies de compte bancaires sont des monnaies scripturales privées normalement garanties par chaque banque et à qui ne correspond que 15 % en moyenne de monnaie de base ( monnaie de compte en Banque Centrale échangeable en espèces ) . Ce système résulte d'une longue évolution historique combinant les besoins de l'économie réelle et la soif de profit des banques. Les monnaies étant désormais totalement dématérialisées ( sans liens avec la rareté des métaux précieux qui n'ont plus que leur valeur propre ), il est non seulement possible mais hautement souhaitable pour assainir la situation que ne soit plus utilisée qu'une seule monnaie de compte, la monnaie de Banque Centrale garantie par la puissance publique. Cette proposition est connue depuis longtemps dans les théories monétaires sous le nom de « 100 % monnaie ».
Résumons-nous.
La monnaie scripturale ne circule pas comme les espèces ; ce sont des informations qui circulent et il en est pris acte au niveau des comptes en monnaie scripturale ou monnaie de compte.
Un compte bancaire doit garantir la valeur des quantités de monnaie comptabilisées, la rigueur des modifications qui y sont apportées et identifier sans ambiguïté le titulaire.
Pour éviter les fraudes, il faut surveiller l'origine des dépôts et la destination des retraits en espèces, surveiller et réglementer les entrées et sorties de capitaux aux frontières de la zone monétaire, et n'utiliser qu'un seule monnaie de compte, c'est à dire mettre en place le « 100 % monnaie ».
Techniquement on pourrait, aujourd'hui, supprimer la circulation des espèces. Elle a été, historiquement, au coeur des systèmes monétaires traditionnels liés aux métaux précieux et pourrait disparaitre avec eux. Les billets de banques n'ont d'ailleurs été initialement que des engagements d'une autorité – une banque ou un état – à fournir, en échange de ces billets, une certaine quantité de métal précieux.
Une monnaie de compte ne circule pas vraiment. Elle n'est que l'enregistrement des états successifs des avoirs monétaires de personnes physiques ou morales identifiées. Dans l'économie réelle ces états successifs sont directement induits par des échanges réels. Ils signifient aussi, en principe, l'accord de deux parties sur un niveau de valeur.
Le teneur de compte est un peu comme le notaire qui enregistre et modifie les titres de propriétés. Les titres de propriété sont constitués de plusieurs pages identifiant les vendeurs et acheteurs, décrivant en détail l'état du bien immobilier, les conditions financières de la vente …
Si l'on devait produire un texte à propos d'un compte en banque, que pourrait-il être ? L'exercice aurait le mérite de nous obliger à en bien comprendre la nature qui est d'ordre juridique.
Conformément à ce qui a été dit précédemment, faisons cet exercice dans le cadre d'une monnaie souveraine ( émise par la puissance publique ) et du « 100% monnaie » ( taux de couverture bancaire de 100 %, c'est à dire une seule monnaie de compte).
Mettons d'abord des mots sur un simple « mouvement » entre deux comptes.
Il y a obligatoirement deux agents économiques, en tout cas deux comptes courants. Il peut aussi y avoir deux teneurs de comptes. L'agent qui va diminuer son compte ( donc celui qui a reçu le bien ou service réel ) diffuse aux teneurs de comptes une information portant que son identité, celle de son partenaire à l'échange et la valeur échangée. Les teneurs de compte s'exécutent sans que la masse monétaire soit en quoique ce soit changée.
Chaque compte garde sa signification, les valeurs monétaires s'ajoutant ou se soustrayant au total existant préalablement. Cette significtion est : « L'autorité monétaire publique reconnaît devoir à l'agent identifié X la valeur monétaire Sx portée au bilan de son compte. »
Cependant il arrive que la masse monétaire change ou soit appelée à changer.
On imagine aisément que l'autorité monétaire puisse accorder un prêt à un agent Y selon le processus habituel qui est un échange croisé de dettes. L'emprunteur reconnaît devoir au prêteur une somme de valeur p ; et le prêteur-émetteur ( ici l'autorité monétaire publique ) approvisionne le compte de Y, ce qui revient à dire : « L'autorité monétaire publique reconnaît devoir à l'agent identifié Y la valeur monétaire Sy portée au bilan de son compte. »
Si au lieu d'un prêt à Y, on considère un fournisseur Z de l'état, il apparaît évident que l'autorité monétaire agissant au nom de l'état peut aussi le payer tout simplement en approvisionnant son compte, ce qui revient à dire : « L'autorité monétaire publique reconnaît devoir à l'agent identifié Z la valeur monétaire Sz portée au bilan de son compte. »
Ce second cas est au moins aussi justifié que le précédent et de toute façon plus compréhensible et logique ; quelle est en effet la logique d'un échange de dettes croisées ? Il serait bon que quelqu'un y mette des mots ! Au contraire, le paiement d'un fournisseur de l'état est la monétisation simple et légitime d'une dette publique.
Il est de plus en plus connu que la masse monétaire accessible à l'économie est augmentée par les emprunts auprès des banques et se trouve diminuée par leurs remboursements. Quel processus diminuera la masse monétaire si on l'augmente par monétisation de dépenses publiques ?
Il s'agit bien entendu de la démonétisation des recettes publiques.
Quand l'état doit faire une recette, c'est qu'il détient une créance qui signifie :« L' agent identifié X reconnaît devoir à l'autorité monétaire publique la somme s »
Cette créance est à considérer face au compte de X qui signifie quant à lui, comme on le sait : « L'autorité monétaire publique reconnaît devoir à l'agent identifié X la valeur monétaire Sx portée au bilan de son compte. »
Il est donc parfaitement logique de procéder à l'annulation réciproque de créances pour la valeur s, tout simplement en diminuant le compte de X de la valeur s. La masse monétaire – en fait le total de la dette publique non chargée d'intérêts – est donc réduite de s.
Notre propos est donc susceptible de décrire un circuit monétaire autonome et fermé au sein d'une zone monétaire donnée. La monnaie souveraine qui y circule nait des dépenses collectives en faveur des citoyens et disparaît dans les contributions citoyennes à la collectivité. Elle est donc disponible à volonté, sans charges financières et dans la quantité souhaitable. Entre son émission et sa destruction elle circule entre les agents économiques sans préjuger du type d'économie en place.
Comment, dans ces conditions, concevoir les échanges avec les autres zones monétaires. Celles-ci sont autant d'autorités différentes usant d'unités monétaires différentes. Il convient donc d'être encore plus précis dans la signification d'un compte.
On pourrait le dire ainsi : « L'autorité monétaire publique α reconnaît devoir à l'agent identifié X la valeur monétaire Sxα exprimée en unités de compte Uα et portée au bilan de son compte . »
On est ainsi en présence de quatre caractéristiques :
- l'autorité qui s'engage
- l'agent bénéficiaire
- la valeur monétaire
- l'unité de valeur monétaire.
Considérons ici le cas d'une exportateur X payé par son partenaire étranger Y en monnaie étrangère de l'autorité publique β. Il reçoit donc un titre qui signifie : « L'autorité monétaire publique β reconnaît devoir à l'agent identifié X la valeur monétaire Sxβ en unités de compte Uβ à porter au bilan du compte de cet agent X. » Or ce compte est exprimé en unités Uα. Il y a donc nécessité d'un taux de change entre Uβ et Uα. Mais cela n'est pas suffisant car c'est aussi l'autorité α qui est engagée vis à vis de X dans son compte en unités Uα et non pas l'autorité β. Si donc X ne dispose pas d'un autre compte en unités Uβ ( ce qui est le cas général ), il faut que l'autorité α rachète la créance de X sur l'autorité β à un taux de change « interne» défini par elle-même. A l'issue de l'opération
- l'agent x est propriétaire d'une créance sur α , soit en la verbalisant et de manière tout à fait classique : « L'autorité monétaire publique α reconnaît devoir à l'agent identifié X la valeur monétaire Sxα exprimée en unités de compte Uα et portée au bilan de son compte . ».
- l'autorité monétaire α détient une créance sur l' autorité monétaire β , créance qui peut être exprimée par : « L'autorité monétaire publique β reconnaît devoir à l'autorité monétaire publique α la valeur monétaire Sxβ en unités de compte Uβ , valeur à porter au bilan des avoirs de α . ».
Les avoirs monétaires de l'agent X sont donc ainsi intégrés à l'économie « intérieure », celle relevant de l'autorité monétaire α .
Pour traiter du devenir de la créance de l'autorité α sur l'autorité β , il convient de considérer que cette dernière détient de son coté des créances sur l'autorité α , que l'on exprimera par : « L'autorité monétaire publique α reconnaît devoir à l'autorité monétaire publique β la valeur monétaire Syα en unités de compte Uα , valeur à porter au bilan des avoirs de β. ». Les autorités α et β sont donc en situation de négocier une annulation réciproque de créances à un taux de change « externe » sur lequel elles ont à s'entendre. L'accord nécessaire se fera soit au cas par cas, soit par convention d'une « unité de compte commune » souvent qualifiée à tort de « monnaie commune ». Une monnaie est en effet une reconnaissance de dette, tandis qu'une unité de compte commune n' est qu'un accord sur un taux de change entre au moins deux parties.
Les taux de change, aussi bien « interne » que « externe » sont des actes politiques. Ceci ne signifie pas qu'ils puissent totalement ignorer les taux de change éventuellement pratiqués par ailleurs, à leurs risques et périls et en transactions privées, entre les agents économiques. Cependant la monnaie souveraine marquerait la fin de la « pénurie monétaire entretenue » sur laquelle repose le fonctionnement dévastateur de nos sociétés actuelles.
Conséquences pratiques :
Utopie dirons certains. Est-ce si sûr ?
Car aujourd'hui, c'est déjà la puissance publique, les contribuables en fait, qui garantissent la monnaie. Celle-ci est émise par le truchement d'une Banque Centrale Européenne, laquelle est bizarrement déclarée totalement indépendante des pouvoirs publics bien qu' elle apartienne à diverses banques centrales nationales (dont certaines hors de la zone euro). Tant pis pour la cohérence d'une telle logique.
Que se passe-t-il régulièrement ? L'état est légalement obligé d'emprunter aux banques les sommes qui lui manquent, ne serait-ce que parce qu'il va rembourser un emprunt précédant ( ce qui serait le cas même si le déficit était réduit à zéro ! ). Il reçoit donc des banques S euros prêtés pour une durée fixée et au taux I, contre la remise de titres de reconnaissance de dette à ces banques. Celles-ci en échange de ces titres souverains peuvent se refinancer auprès de la BCE au taux i et pour un total de S euros. Résultat : il existe bien S euros supplémentaires ( ceux issus du refinancement ). Il y a création monétaire de S euros comme conséquence de l'emprunt de l'état mais celui-ci est contraint de payer des intérêts aux banques qui bénéficient de l'écart de taux I – i .
En résumé : l'état émet sa monnaie mais par un processus que le conduit, d'une part à payer des intérêts aux banques et d'autre part à devoir périodiquement leur ré-emprunter.
Ce système génère un alourdissement progressif et indéfini de la dette publique. C'est une pénurie monétaire organisée qui permet à quelques très riches – n'ayons pas peur de mots – de tenir l'économie et par là la société. A supposer même qu'une admirable « règle d'or » en vienne à permettre de stabiliser cette dette publique, nous atteindrions un état permanent dans lequel nous payerions tous indéfiniment notre monnaie aux plus riches. Dit autrement, les producteurs continueront obligatoirement de payer indéfiniment leur tribu aux possédants. Est-ce bien cela l'avenir que nous choisissons ?
Donc nous payons collectivement pour notre monnaie, celle que nous garantissons. Mais, le plus souvent, nous payons aussi individuellement un deuxième fois. Car non seulement l'état emprunte aux banques, mais toute l'économie le fait aussi. Certes tous les agents économiques ne sont pas endettés, mais savez-vous que toute l'épargne des uns vient des emprunts des autres ?
Quand le système bancaire dispose de S euros, croyez-vous qu'il le laisse en Banque Centrale ? Ne va-t-il pas plutôt le prêter pour engranger des intérêts ? La réponse est inattendue : oui, la monnaie des banques est reprêtée ; chaque euro est même prêté plusieurs fois ( 4 à 6 fois ! ) parce que, justement, il reste en Banque Centrale ! Ainsi, en pratiquant des taux, par exemple, de 5 % , les rentrées d'intérêts atteignent en fait 20 à 30 % !
Comment cela peut-il se faire ? C'est très simple quoique fort subtil. Sur les comptes des banques en Banque Centrale, il y a de « vrais euros », des euros dits « de base », ceux garantis par les états. Mais sur les comptes des agents économiques en banques commerciales, il n'y a pas de vrais euros, mais uniquement les promesses de chaque banque commerciale de fournir de vrais euros sur demande des clients. Ayant constaté que ces clients ne demandent pas si souvent des euros « de base » les banques commerciales peuvent se permettre dans les faits de faire environ 4 à 6 fois plus de promesses que ce dont elles disposent réellement en Banque Centrale. Statistiquement ce système fonctionne correctement en général et en situation normale, c'est à dire qu'il fournit effectivement de vrais euros quand on le lit demande. De vrais euros sont demandés dans deux cas : quand on retire des billets et quand on fait un chèque ou un virement vers une autre banque ( car il faut savoir que les banques n'utilisent entre elles, quand elles doivent solder leurs comptes, que de vrais euros, des « euros de base » et non pas des euros bancaires qui ne sont que des « promesses d'euros de base »). Les euros bancaires étant au contraire largement utilisés dans l'économie, les intérêts versés aux banques proportionnellement aux crédits accordés en euros bancaires permettent à ces banques d'acquérir l'équivalent en richesses réelles produites par l'économie.
En résumé, les banques sont autorisées à prêter communément beaucoup plus que leurs avoirs monétaires. C'est le principe bancaire qui distingue clairement une banque d'un simple établissement financier lequel n'est habilité qu'à prêter l'épargne préalablement collectée. Cependant une banque est aussi un établissement financier mais un établissement financier n'est pas toujours une banque. (Ceci ne manque pas d'embrouiller encore plus la compréhension du fonctionnement des banques, y compris, hélas, pour des banquiers et des économistes ! )
Serait-il si utopique que l'état n'accepte plus de payer les banques pour la monnaie que lui-même garantit ? Serait-il si injuste et irréaliste que les banques ne puissent, comme tout un chacun, prêter qu'une seule fois leurs avoirs monétaires ? C'est ce en quoi consiste la proposition connue en économie sous le nom de «100 % monnaie ». Il ne suffit pas de s'insurger contre le capitalisme ; il faut exiger le passage au « 100 % monnaie » – qui correspond à la logique que nous avons tenté d' expliciter ci-dessus. C'est sans doute la seule issue pour sortir de l'effondrement mortel qui semble se préparer. Surtout, c'est l'espoir de pouvoir libérer les efforts de toute sorte, absolument nécessaires pour faire face aux défis réels de notre temps : le changement climatique, l'épuisement des matières premières, l'alimentation des populations humaines, la résorption d'inégalités de plus en plus intolérables, et plus généralement l'avénement de sociétés humaines harmonieuses et pacifiées.
Une colère compréhensible monte chez ceux qui prennent conscience des méfaits de la pénurie monétaire entretenue et de la finance qui en joue. Ils doivent la muer en une détermination sereine mais inflexible à mettre en oeuvre les moyens qui changeraient enfin durablement la donne.
J.J / Avril 2012.