Tout ne se réduit pas à l’argent.
Mais à cause de l’argent il nous faut réduire le nombre de policiers, réduire le nombre d’enseignants, réduire le nombre d’hôpitaux, réduire le déficit et la dette abyssale qu’il a généré, bref pratiquer la Réduction, pardon la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP). L’argent ne peut pas tout mais bloque presque tout. Nous avons, aujourd’hui, le sentiment de subir l’esclavage de l’argent
« Esclavage de l’argent » ? L’expression serait-elle outrancière ? En 0,27 secondes, Google trouve 45400 occurrences, en français, pour cette expression. Nous sommes donc quelques-uns à nous percevoir comme esclaves de la finance.
C’est le fil directeur des questions qui suivent. Elles touchent au coeur de notre société.
---------------
Dans ma vie d’adulte, sur un demi-siècle (1960-2010), j’ai vu cet écart passer, disons, de 30 à 300. Il continue de croître et semble n’avoir aucune limite. La majorité de nos compatriotes recoivent un salaire mais vous savez que les plus hauts revenus ne sont pas faits que de salaires, que dans certains milieux la corruption rôde.
Faut-il rechercher la transparence sur tous les revenus ? Si oui, comment ?
Faut-il retenir la notion de revenu maximum ?
Si oui, comment en gérer démocratiquement le niveau ?
Si les écarts de revenus sont énergiquement réduits, il est envisageable que chacun accepte de participer proportionnellement à son revenu jusqu’au niveau du revenu maximal au delà duquel il y aurait reversement entier ( 100 % ). Dans le cas contraire quel serait, selon vous, le niveau d’imposition de la tranche supérieure ?
Comment traiterez-vous du point de vue fiscal les patrimoines et les héritages ? Suffit-il de considérer les revenus du patrimoine ? Un héritage est-il à considérer comme un revenu ?
Les revenus tirés de la spéculation semblent souvent dissimulés dans des paradis fiscaux et des banques complices. Qu’est-ce que la spéculation apporte à la société ? Comment lutterez-vous contre ce fléau ?
Envisagez-vous des mesures dissuasives comme par exemple de porter la durée minimale de détention d’une action à une année entière ?
Tous les gains boursiers seront-ils soumis à la fiscalité commune ?
La première des règles de modération n’est-elle pas la définition légale d’un taux d’usure ? Pour les prêts à la consommation ce taux d’usure est voisin de 20 %. Pensez-vous utile de réduire notablement le taux d’usure pour les prêts à la consommation ?
Approuveriez-vous la mise en place d’un système de prêts directement accordés par l’Etat à des taux officiels économiquement intéressants pour les emprunteurs, taux destinés à jouer le rôle de taux directeurs pour les prêts sur le marché financier ?
Pour décourager la détention d’encaisses abusives freinant les échanges et pour encourager au contraire l’activité économique, accepteriez-vous de soumettre ces encaisses à une taxe communément associée à la notion de monnaie fondante ?
Notre système monétaire actuel est structuré sur deux niveaux : au sommet la Banque Centrale ou « banque des banques » ( chez nous, la Banque de France agissant pour la Banque Centrale Européenne ) gère les comptes de ces banques et celui de l’État ( le Trésor Public) ; en dessous, les banques privées ou publiques gèrent les comptes des autres agents économiques.
La monnaie de base est délivrée par la Banque Centrale qui accorde des prêts ou achète, contre monnaie de base, des titres de qualité (« éligibles au refinancement »). Les banques ne connaissent entre elles que cette monnaie de base. Cependant les banques ne comptabilisent pas de monnaie de base dans les comptes des agents économiques mais de la monnaie bancaire qui est un engagement de fournir, sur demande, la même quantité de monnaie de base, autrement dit « une promesse de monnaie de base ». En conditions normales, ce système fonctionne correctement quoique le total des promesses de monnaie de base dépasse de plusieurs fois ( 5 à 7 fois selon la valeur du « multiplicateur de crédit ») le total de la monnaie de base existante. Ceci vient du fait, bien connu, que les banques comptent sur les comportements observés de leurs clientèles qui – en conditions normales – ne réclament jamais simultanément la réalisation de toutes les promesses qui leur ont été faites.
Ce système est basé sur une réalité soigneusement tenue dans l’ombre comme si elle était inavouable. Il permet surtout aux banques dans leur ensemble de prêter jusqu’à 5000 à 7000 € alors qu’elles ne détiennent (en propriété ou par emprunt) que 1000 €. Même si on doit retenir que les euros de base, s’ils ont été empruntés à la Banque Centrale, amènent des intérêts vers cette Banque Centrale et donc vers ses actionnaires qui sont en Europe des Etats, il n’en demeure pas moins que 4000 à 6000 € prêtés par les banques leur rapportent des intérets sans leur avoir rien coûté si ce n’est quelques dépenses de gestion. Voilà la base systémique des bénéfices considérables constatés dans le secteur bancaire.
Plus encore : si les banques manquent de monnaie de base, il leur suffit de se munir, par exemple, de titres de la dette publique ou de s’en procurer sur le marché et de les revendre à la Banque Centrale. Ainsi elles se « refinancent » c’est à dire regarnissent leurs comptes en monnaie de base et se donnent les moyens de placer des crédits supplémentaires et donc d’encaisser davantage d’intérêts.
Ce système, dit « à réserves fractionnaires », autorise les banques à ne tenir en réserve qu’une fraction ( moins de 20 % ) de ce qui peut leur être demandé. Il a été analysé et discuté depuis près de deux siècles, dès la querelle du « currency principle » et du « banking principle » en Angleterre en 1810. En effet, il remet de fait aux banques la création de la monnaie en usage dans l’économie. On lui oppose le système dit « 100 % monnaie » qui obligerait les banques à ne prêter qu’à hauteur de la monnaie de base préalablement acquise auprès d’une Banque Centrale. Celle-ci aurait ainsi le contrôle sur la quantité et, potentiellement, sur la destination de la monnaie émise, ce qui n’est pas du tout le cas aujourd’hui.
Souhaitez-vous conserver le système « à réserves fractionnaires » ou bien envisagez-vous d’ évoluer vers le « 100 % monnaie » ? Ce dernier système fut étudié par Irving Fisher aux USA suite à la crise de 1929, et préconisé par Maurice Allais, éminent économiste français qui vient de décéder. Il est aujourd’hui exposé, par exemple, par un universitaire et banquier tel que Christian Gomez.
Nous avons vu que, dans notre système monétaire actuel, le Trésor Public est situé au niveau des banques. Celles-ci se refinancent auprès de la Banque Centrale. Si le Trésor Public faisait de même, il émettrait une dette dont la Banque Centrale, c’est dire lui-même ( du moins au prorata de sa part du capital de la Banque Centrale ) percevrait les intérêts. Il s’agirait donc d’un prêt à l’Etat à taux zéro ou à taux très réduit.
Ceci fut d’ailleurs pratiqué en France entre le Trésor Public et la Banque de France jusqu’au 3 janvier 1973 date à laquelle fut votée une loi l’interdisant, sous la Présidence de Monsieur Georges Pompidou et Monsieur Giscard d’Estaing étant ministre des finances. Les traités de Maastricht et de Lisbonne n’ont fait que la reprendre au niveau européen. Or une analyse fine montre qu’il s’agit là du signal de la fin des Trente Glorieuses et du début de l’endettement progressif de la puissance publique. Le premier choc pétrolier, souvent invoqué, n’intervient qu’un an plus tard.
Dans ces conditions il serait décisif soit d’abolir l’article 1.2.3 du Traité de Lisbonne au niveau de l’eurozone, article pénalisant tous les états de cette zone, soit à défaut, de le faire seul au niveau national quitte, si nécessaire, à revenir à une monnaie nationale. Ecartez-vous, oui ou non, cette éventualité ?
La crise financière actuelle fait resurgir des propositions de retour à l’étalon or. Celui-ci est apprécié depuis toujours ; il ne peut être créé sur demande. Ce serait une base incontestée pour les monnaies et donc une source de confiance.
La rareté de l’or peut aussi être vue comme un handicap car que ne feraient pas les Etats pour s’en procurer ? Cependant chacun sait qu’on peut mourir de faim sur un tas d’or … Ce regain d’intérêt pour l’or constitue une occasion de s’interroger sur la véritable nature de la monnaie.
Sans développer les attributs traditionnels de la monnaie ( unité de valeur, moyen d’échange et possibilité de thésaurisation ), disons que la valeur d’une monnaie tient essentiellement à sa capacité d’échange. C’est le droit détenu par une personne physique ou morale de transmettre ce droit à une autre personne physique ou morale contre la livraison d’un bien ou la jouissance d’un service de valeur identifiée. Cette définition conserve les notions de définition de valeur, de moyen d’échange, et de persistance dans le temps entre et au cours des échanges. Mais on y trouve aussi le rattachement à une personne de telle sorte que la monnaie peut être gérée en tenant les comptes de monnaie des personnes. La monnaie scripturale est largement la plus utilisée aujourd’hui. Nos moyens techniques permettraient d’ailleurs de supprimer toute la monnaie fiduciaire laquelle, rattachée à son porteur, autorise encore trop de transactions inavouables et d’actes de corruption.
On constate que les mesures suscitées par la crise financière l’ont été, principalement, au niveau des Etats, comme si chaque Etat était le garant de sa monnaie.
Seriez-vous pour la confirmation de cette tendance : chaque Etat est garant de sa monnaie ou bien souhaitez-vous le retour à l’or ou à tout autre matière marchande bien identifiée ?
Si une collectivité garantit sa monnaie ceci ne signifie-t-il pas qu’elle s’engage a tout faire pour conserver son pouvoir d’achat d’abord en interne et éventuellement auprès des collectivités voisines ? Or le pouvoir d’achat d’une monnaie est lié notamment à la quantité de monnaie qui circule. Il y a deux façons de réguler la quantité de monnaie. On peut en créer et on peut en détruire.
Accepteriez-vous qu’ une collectivité garante de sa monnaie jouisse de manière exclusive du droit de la créer et de la détruire ?
9. Une collectivité émettrice peut-elle « monétiser » ses besoins ?
Si la nature de la monnaie est essentiellement d’être un droit accordé par l’émetteur, ici une collectivité, à quelles occasions et dans quelles conditions cette collectivité devrait-elle accorder ou supprimer ce droit ?
La théorie monétaire retient généralement que la monnaie est issue d’un crédit. La banque «monétise» l’engagement de l’emprunteur à rembourser capital et intérêts. Mais il existe une autre façon de créer de la monnaie, en « monétisant » l’achat d’un actif par exemple ou l’acquittement d’une dette, autrement dit en « monétisant » pour les besoins propres de la banque.
La même théorie monétaire fait état de destruction monétaire lors des remboursements des prêts mais aussi lors de la vente d’actifs et lors de la perception de recettes.
Êtes-vous conscient qu’un État, sous réserve de le faire avec l’intelligence et la mesure exigées par la préservation du pouvoir d’achat – cela s’appelle gouverner – peut « monétiser » selon ses besoins et « démonétiser » selon ses recettes, c’est à dire s’exempter de tout endettement public ?
---------------
Ces questions ne définissent pas une politique mais le problème monétaire n’est-il pas le préalable à régler avant de prétendre proposer de vrais choix politiques ? Actuellement la seule option possible se réduit à : produire et payer. Il nous faut donc, en premier, nous libérer du carcan monétaire qui, à l’insu du plus grand nombre, nous retient.
J.J. / Février 2011
Pour résoudre nos problèmes, nous avons en général la technique et la main d’œuvre.
Ce qui fait défaut, ce sont les moyens financiers.
Pourtant des milliards circulent par le monde mais ils sont créés à d'autres fins. Car chaque jour, il se crée et se détruit des masses considérables de monnaie au gré de l'offre et de la demande. Une compréhension suffisante de ces mécanismes paraît un préalable indispensable pour espérer en faire bénéficier la société.
Dans la pensée économique courante, la maîtrise de la monnaie, c'est à dire le contrôle de sa création et de sa destruction, est acquise. C'est le marché qui décide et, comme chacun sait, pour le plus grand bien de tous ! Ceux qui en doutent et cherchent à comprendre, constatent rapidement que les questions monétaires restent un domaine confidentiel, abandonné à quelques experts, souvent universitaires ou attachés au monde de la banque. Ou bien ils sont acquis à la pensée commune et décrivent le système en un langage très technique largement incompris ; ou bien ils ne se montrent que prudemment critiques, faute de quoi, ils perdraient vite toute audience. Politiques et économistes nous conduisent en cahotant mais rares sont ceux qui consentent à regarder sous le capot !
La monnaie est un phénomène social vieux de plusieurs millénaires. Il a beaucoup évolué et évoluera encore. Son efficacité ne peut pas être niée. Il s'inscrit dans l'évolution humaine et nous ne reviendrons pas en arrière. Il est devenu comme le sang de l'espèce humaine et en a acquis toute la complexité. Or on ne pratique pas spontanément une auto-analyse sanguine ; ce serait pourtant tout indiqué face à certains désordres physiologiques.
L'expérience prouve que le sujet est difficile. Quelques textes simples ont été présentés depuis février 2005 dans mes « pagesperso » chez l’hébergeur Orange. Malheureusement ce service a été arrêté en septembre 2023 et l’évolution technique ne m’a pas permis de reproduire ces pages à l’identique chez un autre hébergeur. J’en présente ici une sélection avec pour objectif de vulgariser la connaissance des mécanismes monétaires de base. C’est aussi un appel à des changements majeurs qui devraient être élaborés démocratiquement. Le contenu n’engage que moi-même bien que son élaboration ait été faite dans un contexte associatif, notamment après de l’association "Chômage et monnaie" à qui je dois beaucoup. Ce contexte a été fait d’échanges réguliers et de la consultation de multiples documents pendant plus d’une décennie.
Mais si le temps passe, l’évolution de notre système monétaire caractérisé par sa monnaie d’endettement n’évolue guère comme il le pourrait. Comme on le verra, de nombreuses questions autour de ce sujet, posées il y a des années aux candidats aux élections présidentielles, restent encore lisibles et valables aujourd’hui.
J.J. / Septembre 2023